« L’euro baisse, tant mieux pour la croissance » ( Marc Touati)

L’euro baisse, tant mieux pour la croissance. C’est certainement le seul point positif de la nouvelle crise grecque : l’euro baisse.

En effet, comme cela s’est déjà observé à quatre reprises depuis 2008, la dernière tempête qui secoue l’Euroland rappelle que l’UEM ne peut supporter un euro trop fort.

Le drame c’est qu’il faille à chaque fois passer par la case « crise » pour que les investisseurs comprennent cette évidence. Certes, il faut reconnaître que la politique de la BCE a tout fait pour favoriser un euro surévalué.

Ainsi, à chaque fois que l’UEM pouvait apparaître « sauvée » et capable de retrouver le chemin de la croissance, la BCE a agité le chiffon rouge de l’inflation et n’a pas tardé à augmenter son taux refi ou à refuser de le baisser, relançant par là même l’euro/dollar à la hausse et préparant ainsi la crise suivante.

Ce fut tout d’abord le cas au second semestre 2007 et au premier de 2008, au cours desquels en dépit de la crise financière mondiale qui commençait, puis de la récession qui s’installait en Europe, la BCE a resserré fortement son étreinte monétaire, portant l’euro sur des sommets de 1,60 dollar.

Face à l’effondrement des marchés et de la croissance de la seconde partie de 2008, la BCE a été alors contrainte de faire machine arrière (sans cependant reconnaître ses erreurs des mois précédents), permettant à l’euro de revenir vers les 1,25 dollar.

 

« l’euro au-delà des 1,30 dollar empêche

le retour de la croissance »

Mais, au moment où la dépréciation de la monnaie unique était sur le point de relancer la croissance, la BCE a refusé de suivre la Fed dans son assouplissement monétaire massif, s’obstinant à maintenir un taux refi à 1 %, contre 0-0,25 % pour le taux objectif des federal funds.

L’euro est alors reparti à la hausse (jusqu’à 1,50 dollar), limitant la reprise de fin 2009-début 2010, et maintenant certains pays de l’UEM dans la récession, à commencer par la Grèce. C’est à ce moment-là que la crise grecque a explosé, permettant d’engager une nouvelle dépréciation de l’euro qui est même tombé à 1,22 dollar.

C’est à ce moment-là que la crise grecque a explosé, permettant d’engager une nouvelle dépréciation de l’euro qui est même tombé à 1,22 dollar. Mais, une fois encore, alors que la tempête semblait se calmer, la BCE s’est à nouveau illustrée en annonçant que l’inflation était de retour et qu’il fallait augmenter le taux refi, ce qu’elle fit à deux reprises en 2011 (avril et juillet).

Il n’en a pas fallu plus pour apprécier l’euro au-delà de 1,40 dollar, ravivant la crise grecque lors de l’été 2011 et préparant le retour de la récession dans de nombreux ays européens dès la fin 2011. L’euro est alors reparti à la baisse, laissant imaginer que la rechute économique serait sans gravité et de courte de durée.

Malheureusement, en laissant croire que la zone euro était définitivement sauvée et que la crise était terminée, les dirigeants eurolandais ont maintenu l’euro au-delà des 1,30 dollar et ont empêché le retour de la croissance. Pis, ils ont réveillé l’hydre grecque et rappelé que la zone euro était toujours en danger.

C’est pourquoi, depuis quelques semaines, la devise européenne s’est nettement dépréciée, se rapprochant de ses niveaux normaux. Il ne faut effectivement pas oublier que le niveau normal de l’euro/dollar est de 1,15 dollar selon la parité des pouvoirs d’achat (PPA) et de 1,18 dollar selon le taux de change naturel (dit Natrex).

Tant que nous n’y sommes pas, la zone euro ne peut pas retrouver le chemin de la croissance et est donc dans l’incapacité de sortir de la crise. Et ce a fortiori pour les pays les plus fragiles, pour qui le niveau de PPA de l’euro est bien plus bas : par exemple 0,70 dollar pour la Grèce, 0,90 dollar pour l’Italie et 1,03 dollar pour la France… La baisse de l’euro est tout à fait justifiée. ABI23D55.png NATREX : Taux de change naturel de l’euro / dollar – G – Taux de change euro / dollar – D – Sources : Natrex, Datastream

En fait, le mouvement de dépréciation justifiée de l’euro sera bien plus bénéfique à la croissance qu’une énième augmentation des dépenses publiques, qui serait in fine inefficace, dans la mesure où elle coûterait bien plus cher (en termes de dette et d’augmentation des impôts futurs) que ce qu’elle rapporterait à court terme.

C’est peut-être là que réside le point de réconciliation entre les Allemands et les Français. En effet, en continuant d’afficher leurs divergences, ceux-ci vont accroître les craintes sur l’avenir de l’UEM, alimentant la baisse de l’euro et préparant par là même le retour de la croissance. baisse de l’euro et préparant par là même le retour de la croissance.

Pas de retour de la croissance sans euro plus fort. ADFR48.png Euro contre dollar Croissance eurolandaise Sources : Eurostat, Bloomberg Il ne reste plus qu’à espérer un petit coup de pouce de la BCE, qui serait bien inspirée de baisser encore son taux refi. Mais attention, si la France s’obstine et engage, seule contre tous, une augmentation de ses dépenses publiques, la crise pourrait prendre une tournure bien plus grave.

La baisse mesurée de l’euro deviendrait alors un plongeon, qui pourrait nuire à la crédibilité de la zone et effrayer les investisseurs. Une augmentation des taux longs s’en suivrait, avec effondrement de l’activité économique à la clé. Entre le paradis et l’enfer, la frontière est parfois mince…

Espérons simplement que les nouveaux dirigeants français sauront prendre la mesure de ces dangers et comprendront rapidement que l’efficacité de la politique économique réclame du doigté et abhorre le dogmatisme. S’ils n’en sont pas encore conscients, ils vont vite le découvrir avec fracas… Marc Touati